Zuckerberg, l’empereur de la Valley

par François Roche, L’Express, 12/3/2020

 

On ne présente plus Mark Zuckerberg. Son visage est l’un des plus connus du monde. Son parcours aussi. Fondateur et patron de Facebook, il règne sur le plus vaste réseau d’êtres humains jamais créé, qui compte près de 2 milliards d’individus autour du globe. Il est la sixième personne la plus riche du monde. Et symbolise à lui seul la success story de la Silicon Valley. Il porte des tee-shirts dessinés par Bruno Cucinelli à 325 dollars pièce. Et est, au-delà de la célébrité, une icône de la tech. On lui a consacré plusieurs livres déjà, et même un film, The Social Network. Pourquoi donc écrire à nouveau l’histoire de Facebook et de Mark Zuckerberg, comme le fait Steven Levy, reporter au magazine amé- ricain Wired, auteur de plusieurs ouvrages sur l’univers de la technologie ? Parce que, en quelques années, l’image du jeune patron jovial a complètement changé. Il est aujourd’hui l’ange déchu de la galaxie technologique. Facebook est désormais associé aux fake news, à la manipulation des élections, au vol de données personnelles, à la haine en ligne, à la destruction de la démocratie. Au travers de nombreuses interviews, dont celle de l’intéressé lui-même, l’auteur revient avec force détails sur ces épisodes : l’affaire Cambridge Analytica, l’irruption de la Russie dans la campagne présidentielle américaine de 2016 ou encore la polémique récente concernant le contenu des publicités politiques. Ce qui frappe, dans tous ces épisodes, c’est le retard avec lequel les dirigeants de Facebook – et Zuckerberg en particulier – ont pris conscience de l’ampleur des problèmes. Comme s’ils ignoraient que la responsabilité de l’entreprise était engagée sur des sujets ne relevant plus seulement des données personnelles des abonnés, mais aussi du processus démocratique, entre propagation de fausses nouvelles et provocations de tous genres. Ce qui apparaît au fil des chapitres, c’est à quel point Zuckerberg nourrit une haute opinion de lui-même (il est un fan d’Auguste, le premier empereur romain) et de sa vision. Sous son allure de jeune homme décontracté, il imprime une main de fer sur le destin du réseau social qu’il a créé, bravant les uns après les autres les obstacles qui peuvent se dresser devant lui, comme c’est le cas aujourd’hui s’agissant de la création de Libra, la « monnaie Facebook ». De toute évidence, l’histoire n’est pas terminée et l’on attend avec impatience le déroulement des prochains épisodes.

Pour en savoir plus : FACEBOOK : THE INSIDE STORY, PAR STEVEN LEVY, BLUE RIDER PRESS, PENGUIN BUSINESS, 592 P.