Ce livre, publié en 2000, s’ouvre par une citation d’un économiste, John Kenneth Galbraith, économiste libéral, notamment Professeur à Harvard, source d’inspiration pour Bernard Arnault : « Plutôt que de se ruiner à vouloir concourir dans des secteurs où elle ne sera jamais première, la France devrait s’employer à devenir première là où elle sait être la meilleure : le luxe. »
En prologue à ces différents entretiens avec Bernard Arnault, « créateur passionné et leader incontesté de l’industrie mondiale du luxe », Yves Messarovitch, journaliste, directeur des rédactions de l’Expansion en 2000, témoigne du plaisir qu’il a eu à interroger un personnage qu’il croyait connaitre mais qu’en réalité il ne connaissait pas. Il le pensait à tort pressé, voir impatient par exemple. En fait, l’expérience lui a appris à attendre : « Cet Homme a de l’audace. Il aime le risque, l’aventure. La passion de créer est en lui. Il a montré qu’il n’était jamais en retard d’un rêve, encore moins d’une ambition. » Pour paraphraser ce que Tocqueville disait de l’histoire, il n’y a, derrière la réussite des hommes, « que peu d’originaux et beaucoup de copies. » Pour Yves Messarovitch, « il y a, d’abord et avant tout, une alchimie Arnault », qu’il aide à révéler.
Dès le début du livre, le journaliste interroge Bernard Arnault sur sa vision des clés de la réussite économique ?
« Il ne suffit pas d’être intelligent » répond l’entrepreneur en ajoutant : « Ce qui est nécessaire, c’est d’allier aux capacités intellectuelles un solide bon sens, le goût du concret, et surtout le sens du leadership, la capacité à entraîner des équipes de haut niveau. Comme me le disait un de mes professeurs, pour sublimer une entreprise, il faut aussi être capable de faire réaliser des choses extraordinaires par des hommes ordinaires. Sans travail, impossible de réussir. »
Jeune, Bernard Arnault confie qu’il n’imaginait pas l’avenir en termes de « réussite » : « Ce qui m’a toujours motivé, ce qui m’a toujours passionné, c’est de conduire une entreprise. La réussite, pour un entrepreneur, c’est diriger une entreprise qui se développe, qui prend des parts de marché, qui parvient à fédérer une équipe. L’argent n’a jamais constitué, à mes yeux, un objectif ni même un indicateur d’une quelconque signification. Une règle de base pour réussir dans les affaires : être au bon moment, au bon endroit, pour saisir une opportunité prometteuse, et bénéficier d’une conjoncture qui assure une croissance suffisante devant vous. C’est peut-être plus difficile en France qu’aux États-Unis, parce que les occasions sont plus rares ici. Le marché est plus petit. »
Lorsque Bernard Arnault commence son projet dans la création et le luxe, en reprenant Christian Dior, il déclare avoir dit à ses cadres : « On va devenir numéro un dans le monde. Christian Dior a une histoire que n’ont pas les américains. Elle fait rêver.» Il pense en effet qu’il fallait « donner un objectif tellement ambitieux qu’il galvanise les troupes, mobilise les énergies vers quelque chose de difficile à atteindre mais qui soit extraordinairement porteur. » Petit à petit, avec son équipe, ils y sont parvenus.
Pourquoi avoir choisi le Luxe ? Le luxe est un domaine qui a toujours été attractif pour Bernard Arnault : « J’ai, depuis longtemps, été fasciné par la création artistique et par la recherche de la perfection, de la plus haute qualité. Quand je travaillais dans la construction, ce qui me passionnait, c’était de passer du temps avec les architectes sur la conception des bâtiments que l’on allait construire pour les rendre plus attirants pour leurs utilisateurs. Sur un plan personnel, les produits de luxe me plaisaient. » Il reconnait aussi que c’est un concours de circonstances qui lui a permis de se trouver, au moment opportun, en bonne situation pour créer son groupe : « Fin 1984, lorsque je me suis retrouvé en situation de reprendre le groupe Boussac, qui possédait Christian Dior, j’ai tout de suite senti qu’à partir de cette marque extraordinaire, un actif unique et magique dont le nom était connu dans le monde entier, il y avait moyen de bâtir un grand projet à un moment où ce type d’activité n’était pas encore très développé. C’était une occasion formidable de rassembler plusieurs entreprises dont le potentiel n’avait pas été perçu. On ne regardait pas alors les affaires de luxe de la même façon qu’aujourd’hui. Leur valeur était d’ailleurs beaucoup plus faible. Construire maintenant un groupe comme LVMH serait impossible compte tenu de la valeur atteinte par les sociétés du secteur et du nombre infime de marques « vraiment stars » disponibles. Mon équipe et moi-même avions-vu, je crois, ce potentiel avant d’autres. »
Pour construire ce projet, il lui a alors fallu convaincre des banquiers, des partenaires : « J’ai fait un tour de table avec des financiers. Le premier que j’ai convaincu du bien-fondé de cette stratégie, c’est Antoine Bernheim, de la banque Lazard. Il a été le premier à croire en ce projet. »
Juste après le rachat de Boussac il cherche à regrouper des marques de luxe isolées : « C’est une question d’avantages partagés. Le principal réside dans la capacité à attirer des dirigeants de grand talent. C’est beaucoup plus difficile pour une marque isolée ou dans un petit groupe. La direction y est souvent exercée de manière autocratique, et les perspectives de développement de carrière pour les uns ou les autres, sont limitées à un étroit périmètre. Ce qui fait notre réussite, comme dans les grands groupes industriels, c’est le talent des équipes qui dirigent nos entreprises. Pour attirer les jeunes, il vaut mieux être dans un groupe de notre taille, qui possède les plus belles marques de la planète. Vous pouvez leur offrir de formidables perspectives de carrière. Résultat : tout le monde nous envie nos équipes. Ainsi, un jeune qui entre chez nous peut se réaliser complètement… »
Bernard Arnault avoue ne pas aimer vraiment parler de ses échecs : « Je ne me suis jamais senti en situation d’échec. Mais j’ai sûrement commis des erreurs.» Il reconnait notamment qu’au départ de son projet, il était conscient que le groupe Boussac repris avec Christian Dior comprenait des entreprises impossibles à développer pour lui : « J’ai eu des problèmes très pénibles à régler : problèmes humains dus aux restructurations, aux fermetures d’usines. C’est quelque chose que j’avais beaucoup de mal à faire, qui me paraissait très difficile. Il a fallu vendre des entreprises. Prenez Peaudouce par exemple. Je sentais qu’il était très difficile de développer cette entreprise face à des concurrents spécialisés, comme l’américain Pampers. J’ai finalement réussi à vendre Peaudouce à des Suédois. Je me souviendrais toujours des circonstances pratiques de la signature : nous voilà partis en Suède avec l’un de mes collaborateurs pour signer la transaction. Et dans la nuit suivant la signature officielle, l’hôtel où nous résidions a brûlé. Nous avons dû descendre à toute vitesse dans le hall de l’hôtel, en pyjama, avec tous nos dossiers ! »
Bernard Arnault reste conscient que la réussite peut être éphémère dans un environnement qui évolue très vite : « Ce qui m’a particulièrement frappé aux États-Unis, c’est que les entreprises qui étaient entête il y a 20 ans ne le sont plus aujourd’hui. Il y en a même certaines qui ont purement et simplement disparu. Je suis convaincu que vue de l’année 2050, on regardera l’année 2000 comme nous voyons aujourd’hui le Moyen-Âge. Il va y avoir des découvertes et des réussites exceptionnelles. »
Du fait de l’accélération des changements, la stratégie serait-elle dépassée ? interroge Yves Messarovitch. <Pour Bernard Arnault, la stratégie est indispensable pour une entreprise. Elle consiste à fixer un cap au navire : « J’aime beaucoup cette phrase de Sénèque : « Il n’y a pas de vent favorable à celui qui ne sait pas où il va. » Bernard Arnault rajoute : « La stratégie cela consiste justement à savoir où l’on veut aller. Il est nécessaire de connaitre, activité par activité, les positions que l’on occupe sur un marché, et la façon de les améliorer. Il vaut mieux étendre sa propre gamme, que de chercher à se concurrencer soi-même. Certes le mot stratégie est peut-être un peu galvaudé, mais il recouvre une réalité. Ce qui me paraît parfaitement inutile par contre, c’est ce qu’on fait pendant des années des grands groupes industriels. C’est-à-dire, des grands plans stratégiques, qui sont imposés aux filiales. La bonne stratégie, c’est savoir où une marque donnée peut aller, et elle doit être imaginée par les dirigeants et les équipes de chacune des marques. Ensuite, on regarde au niveau du groupe ce qui est proposé et l’on en tire un certain nombre d’enseignements : quelles sont les affaires à reprendre, ou faut-il pousser les investissements pour développer telle ou telle marque, parce que c’est la meilleure des solutions pour l’ensemble du groupe ?… » Bernard Arnault reconnait quand même que dans la vie, on ne peut pas toujours faire ce que l’on a décidé : « Si l’on est en mer et que l’on voit poindre un orage, mieux vaut dévier. Mais c’est pour repartir ensuite sur son axe. En affaires, il est primordial de savoir où on veut aller. » Il pense aussi que les patrons français ont à apprendre de patrons américain, plus concrets, tels que Jack Welch : « Les américains ont une façon de gérer leur business beaucoup moins politique. Les méthodes françaises restent au contraire trop florentines, avec trop de querelles de pouvoir. C’est contre-productif. Une entreprise a besoin de transparence, et que l’on puisse y dire les choses telles qu’elles sont. »
Pourquoi choisir de rester silencieux interroge Yves Messarovitch ?Pour Bernard Arnault, « la vocation d’un chef d’entreprise n’est pas, à mon sens, de déborder du cadre de ses responsabilités. Les miennes sont claires. Elles consistent à développer mon groupe et non rechercher une influence sur des événements pour lesquels je n’ai pas de compétences particulières. Au contraire, je m’attirerais des critiques, peut-être parfois quelques quolibets. Comme chef d’entreprise, on me taxerait de vues partisanes et de ne pas prendre en compte l’intérêt général. C’est aussi par manque d’attrait personnel pour le débat public, pour lequel je n’aurais d’ailleurs que ni le talent ni la patience nécessaire, que je préfère m’abstenir. »
Quid de l’international ? demande aussi Yves Messarovitch. Pour Bernard Arnault, « LVMH est totalement international. Nous sommes même sans doute le groupe français le plus international et nous le serons de plus en plus. Nous représentons, par exemple, une part très importante des exportations françaises vers le Japon, plus de 15 pour cent. Et c’est vrai qu’il est de plus en plus difficile de faire venir s’établir à Paris des dirigeants de haut niveau ; Y compris les français qui sont à l’étranger. Lorsque vous embauchez un cadre supérieur aux États-Unis, qui a déjà dirigé, par exemple, une grande entreprise de cosmétiques, et que vous souhaitez l’établir à Paris, il faut quasiment doubler son salaire pour lui garantir le même niveau de rémunération. Quand on entre chez LVMH, on devient vite un entrepreneur et, si ça marche, on peut gagner beaucoup d’argent. Ils ont le droit à l’erreur mais ils n’ont pas le droit à l’échec. Les erreurs sont inévitables, tout le monde en fait. Il faut les accepter. Ce sont d’ailleurs souvent des expériences très formatrices. Ce qui n’est pas acceptable, ce sont les erreurs à répétition qui se transforment en échec. »
Y a-t-il une limite à la réussite et à la croissance ? questionne le journaliste. Pour Bernard Arnault, « une entreprise, aujourd’hui, si elle ne croit plus, est, en déclin. La réussite d’une entreprise se juge sur la durée. C’est la vérité qui compte plus. C’est les perspectives de croissance sur les trois prochaines années que regardent les actionnaires. Donc si vous voulez développer votre affaire, il faut croitre. Le fait que nous ne soyons pas centralisés mais plutôt une fédération de PME ne fixe pas de limite à notre taille. Le vrai problème c’est le talent. Il est vital de recruter des hommes et les femmes de grand talent. Les trouver, les motiver, les fidéliser, travailler longtemps avec des hommes et des femmes de grand talent. Nous vivons avec un mélange entre les équipes de gestion, de commerce, des créateurs. Il s’agit de trois univers, souvent contradictoires, dont la confrontation harmonieuse entraîne le progrès et l’innovation dans chacune de nos entreprises. La centralisation de ses forces parfois opposées aboutirait à une stérilisation qui pénaliserait la créativité de nos marques. »
La question de la confiance comme clé de la réussite est un autre thème abordé par Yves Messarovitch. Pour Bernard Arnault, « la confiance se bâtit avec le temps. … Notre méthode de contrôle chez LVMH ne risque pas la saturation. La confiance suppose une grande capacité à déléguer et, en contrepartie, le respect des objectifs. »
En synthèse, « pour réussir dans notre métier il faut avoir un sens artistique, être capable de sentir des évolutions. Bien que je sois plus rationnel qu’irrationnel, l’idéal est d’avoir en soi cette ambivalence. D’ailleurs, lorsque nous recrutons, nous cherchons à découvrir cette sensibilité particulière » résume Bernard Arnault.
Dans la suite du livre, Bernard Arnault passe en revue les rencontres marquantes de sa vie : il y a d’abord celle avec son épouse, de nationalité canadienne. Pour acquérir une expérience différente, la famille Arnault a vécu aux Etats-Unis durant plusieurs années. Bernard Arnault mène alors une activité qui n’a rien à voir avec le luxe puisqu’il dirige une entreprise de construction : « Ce qui m’a intéressé aux Etats-Unis, c’est le contact avec le monde américain des affaires, de voir comment les entrepreneurs locaux travaillaient, de voir comment ils fonctionnent par rapport aux Français… Il était intéressant de vivre dans ce pays, de connaître la façon dont les choses se passent de l’intérieur. Mes enfants y ont vécu une expérience formidable. Ils étaient très jeunes et en gardent une connaissance précieuse de l’anglais, qu’ils parlent couramment, ainsi qu’une ouverture d’esprit que l’on ne peut acquérir qu’en vivant dans un pays étranger et en particulier aux États-Unis. »
Alors qu’il vit à New York, Bernard Arnault charge Pierre Godé, avocat d’affaires, de rechercher d’autres investissements en France : « Pierre était particulièrement brillant puisqu’il avait été le plus jeune agrégé de droit en France. J’avais été frappé par son talent lors de notre première rencontre, en 1973. L’entente entre nous fut immédiate. Et à partir de mon retour, il est devenu jusqu’à aujourd’hui mon plus proche collaborateur. C’est aussi un confident et un ami. Je dois dire que son aide a été déterminante pour monter mon projet depuis 15 ans. Il n’y a rien qui remplace le fait d’avoir auprès de soi un talent de cette envergure, à qui je sais pouvoir faire une confiance totale. »
A la suite de toute une série de contacts, Pierre Godé et Bernard Arnault arrivent à Boussac : « L’affaire s’est traitée pendant que je résidais aux États-Unis. Je revenais en France une dizaine de jours par mois afin de suivre les affaires du groupe français dont j’avais transféré la direction à un dirigeant que j’avais recruté en 1976, et qui est devenu ensuite un ami très proche, Michel Lefebvre. Je dois beaucoup à Michel ; c’était une force de la nature ; Malheureusement, il a disparu tragiquement à 50 ans. C’était un dirigeant exceptionnel, et j’ai pu très vite lui confier les rênes de mon groupe de construction, qu’il a mené ensuite à une des toutes premières places en France. … »
Lors de son séjour aux États-Unis, Bernard Arnault se lie d’amitié avec François de Combret. Il avait rejoint Lazare New York après avoir quitté le cabinet du président Giscard d’Estaing à l’Élysée. Leurs bureaux se situaient dans le même immeuble du Rockefeller center. Bernard Arnault le voyait de temps en temps à déjeuner. Quand il étudie le dossier Boussac, il lui en parle. Ce dernier lui conseille d’aller voir Michel David Weill qui l’appuie alors pour rencontrer Antoine Bernheim…
Une fois le dossier Boussac conclut, Bernard Arnault rentre en France. Il a 35 ans. Son père est à la fois étonné… et passionné. L’homme de confiance de la famille Arnault, qui gère entre autres ses finances, Jean Géosit, était convaincu et à tout de suite vu les possibilités extraordinaires de ce projet ; Autodidacte à l’intelligence fulgurante, il a beaucoup aidé Bernard Arnault par la suite…
Quelques années plus tard, Bernard Arnault vise LVMH avec l’objectif fixé de devenir le leader du luxe : « Une amie journaliste au Herald Tribune, Hebe Dorsey, m’a conseillé cette aventure. C’était une femme exceptionnelle, une grande prêtresse de la mode dont les critiques étaient redoutés autant qu’admirées. Elle était à la fois très drôle et très féroce. Elle écrivait merveilleusement. » Il raconte : « Alors propriétaire des parfums Christian Dior, il se trouve que je connaissais LVMH. J’avais déjà proposé à ses dirigeants, Messieurs Chevalier et Racamier, et cela à plusieurs reprises, de reprendre cette activité. Dans le luxe, ce qui avait été fait pour Vuitton avant 1988 était très positif et à mettre à l’actif de l’équipe qui était en place. Là où les deux dirigeants de LVMH ont peut-être eu tort, c’est lorsqu’il se sont associés. Ils n’étaient pas fait pour s’entendre. C’est de là que sont venus leurs problèmes. En 1988 je suis arrivé à prendre une participation plus importante et à devenir ainsi l’un des actionnaires principaux en plein milieu d’une dispute qui empirait entre les deux dirigeants. Or, il n’y a rien de pire pour une entreprise que d’avoir des dissensions au sommet. Je ne soupçonnais pas au départ cette divergence. Lorsque vous lisiez les magazines économiques, les deux coprésidents étaient présentés comme des personnalités s’entendant merveilleusement. Si j’étais resté là, regardant les balles passées, j’aurais fini par en prendre une moi-même. Dans l’intérêt de l’entreprise, il fallait installer une vraie direction. En plus, les objectifs des uns et des autres n’étaient pas du tout les mêmes. Faute de pouvoir se mettre d’accord, j’ai proposé aux dirigeants que l’entreprise se donne une direction unique. L’un a accepté, reconnaissant que c’était une bonne formule, l’autre s’y est opposé. Alors cela n’a pas marché. Imaginez une situation où deux personnes se disputent alors qu’au départ je n’en savais rien. Ensuite, chacun tente de vous utiliser pour augmenter ses chances par rapport à l’autre. Je n’étais pas venu pour cela. Et j’avais mis beaucoup d’argent dans cette affaire dont je détenais déjà plus de 25 %. Je me suis dit : Danger, tout cela va déraper. J’ai alors indiqué clairement aux uns et aux autres que je ne pouvais pas représenter les intérêts de tel ou tel mais que j’essayais d’abord de défendre l’entreprise. C’est alors que Chevalier a démissionné, après avoir essayé de faire réaliser un opéra rock britannique, heureusement sans succès. Quant à l’autre dirigeant, Racamier, il a continué à critiquer notre position. Et cela a duré un certain temps. Je lui ai proposé tout ce qui pouvait être fait pour trouver une solution. Je reconnais que ce monsieur avait d’ailleurs beaucoup de qualités. Il avait 75 ans à l’époque, et je savais qu’il n’allait pas rester longtemps président du groupe. Mais il était déterminé à ne pas accepter d’accord. Finalement, après différents épisodes juridiques qui ont duré environ un an, je crois qu’il a vendu ses actions. Et Il a eu tort. Car s’il les avait gardés, son capital aurait été multiplié par cinq ou six. Il a aussi conseillé à sa famille de vendre ses parts, alors que je ne le lui avais pas demandé. Le seul Vuitton, à ma connaissance, qui soit resté actionnaire est Patrick. Il travaille toujours avec moi aujourd’hui pour Vuitton, et il représente formidablement la marque dans le monde entier. De leur côté, les familles Moët, Chandon et Hennessy ont toujours suivi et ont gardé leurs actions. Elles ne le regrettent pas aujourd’hui. Kylian Hennessy et Fred Chandon sont ceux qui m’ont le plus soutenu pendant toute cette période. Fred et Killian sont les fondateurs de Moët-Hennessy. C’est eux qui ont fusionné le champagne et le cognac, pour faire le premier groupe au monde. »
Bernard Arnault se retrouve alors à la tête du Groupe LVMH. Il pense que le fait que LVMH soit coté en bourse apporte à son Groupe beaucoup d’éléments positifs pour son développement : « Vous avez ainsi plus de responsabilité par rapport à votre marché et même vis-à-vis de votre management. Vous êtes constamment obligés de vous remettre en question pour satisfaire le marché, et donc vos innombrables actionnaires. Il faut toujours justifier ses choix, ses investissements. Dans un groupe privé, les décisions sont beaucoup moins transparentes vis-à-vis des actionnaires, même s’ils sont nombreux, et vis-à-vis du personnel. Pour tout le monde, employés, salariés, actionnaires, le fait d’être coté offre à la fois transparence et sécurité, ne serait-ce qu’à travers la publication périodique des comptes et des commentaires qui les accompagne. Ce sont autant de contraintes qui entraînent des réflexes sains pour le développement de l’entreprise. Cela ne veut pas dire que je suis contre les entreprises à capital non côté. Le souci de communication et de justification n’est pas systématiquement le même. Certaines affaires, particulièrement dans le luxe, préfèrent rester privées parce que cela leur permet de réaliser certaines choses incompatibles avec un statut de société cotée. Je n’en crois rien. La réalité, c’est que les dirigeants de ces entreprises refusent la contrainte de la transparence inhérente à toute entreprise cotée. Refus que l’on peut d’ailleurs comprendre, en raison des contraintes dont j’ai parlé. Notamment l’obligation de publier ses comptes et de les commenter. »
Pour autant, il est convaincu que la performance s’explique surtout par la philosophie générale du Groupe : « Chez LVMH, nous avons une philosophie. Un certain nombre de valeurs fondamentales qui président à la stratégie générale de l’ensemble de nos maisons et que je peux vous résumer ici. Il y en a cinq… La qualité des produits, la créativité, l’image, l’esprit d’entreprise et, enfin, la volonté de se remettre en permanence en cause et d’être les meilleurs. La qualité par exemple est une priorité constante, quoi qu’il arrive. Pendant des années, le groupe a été composé exclusivement d’entreprises qui portaient le nom de leur créateur : Moet&Chandon, Hennessy, Louis Vuitton, Guerlain, Christian Dior ou Christian Lacroix… Je me rappelle combien en 1990 la carte de vœux du groupe les présentaient tous physiquement, de Dom Perignon à Hubert de Givenchy. Un véritable album de familles au nombre de noms mondialement connus. Nos produits sont réalisés dans nos ateliers selon des méthodes artisanales. Il y a très peu de machines dans les ateliers Vuitton, hormis des machines à coudre. Nous formons intégralement notre personnel chez nous avec un programme étudié dans le moindre détail. C’est ce qui explique d’ailleurs que dans les périodes où la demande mondiale augmente fortement, nous n’arrivons pas toujours à produire la quantité suffisante. A partir de cette philosophie partagée, nous voulons fédérer une équipe d’entrepreneurs, avec un souci permanent de dynamisme, d’efficacité, de motivation et d’attachement complet à une marque comme si ces entreprises était individuelles et ne faisaient pas partie d’un groupe plus important. C’est en s’inscrit dans cette philosophie du groupe LVMH que l’on arrive à recruter des talents qui sont de vrais entrepreneurs. LVMH est un groupe d’entrepreneurs. »
Pour Bernard Arnault, il faut trois caractéristiques pour qu’une marque ait un statut de vraie star économique du luxe : « Intemporalité, exceptionnel cash-flow, croissance solide sur une très longue période. Le nombre de marques mondiales remplissant ces caractéristiques se comptent sur les doigts d’une main seulement ; cartier, Louis Vuitton. Elles ne peuvent justifier la création d’un vrai groupe autour d’elles. À mon avis, Gucci n’ en fait pas partie : c’est une entreprise, à mes yeux, beaucoup trop en lien avec la mode, donc fragile, avec un trop faible cash-flow et à l’histoire plutôt chaotique. »
À quoi ressemblera LVMH dans 20 ans ? demande Yves Messarovitch à Bernard Arnault au tout début des années 2000. La réponse apportée alors par Bernard Arnault est alors véritablement prophétique : « LVMH restera, je le pense, le plus bel ensemble de marques de luxe de la planète, le leader mondial comme aujourd’hui. J’espère même que nous serons encore plus en avance. Certaines entreprises, qui font partie de ce qu’on appelle aujourd’hui notre « troisième horizon », c’est-à-dire les jeunes pousses que l’on nourrit, auront grandi et seront arrivées dans le « premier horizon ». Elles seront de grandes entreprises à maturité. Nos grandes marques auront encore diversifié leurs produits et leur implantation dans le monde, et notre « troisième horizon » sera peuplé de toute une série d’idées neuves que je brûle déjà d’imaginer. Nos valeurs d’entreprise, notre projet global, « créativité et qualité », resteront la base de notre action et de notre succès. La passion créative sera intacte dans 20 ans. »
Fin 1999, LVMH regroupe à New York une partie de ses affaires sur le continent américain dans une tour symbolique pour le Groupe : « J’ai tout de suite pensé, quand nous avons vraiment décidé de construire cet immeuble, qu’il fallait qu’il représente l’image du groupe, qu’il soit créatif et original. C’est la raison pour laquelle j’ai fait appel à Christian de Portzamparc, architecte extraordinaire, lauréat, en architecture, de l’équivalent du prix Nobel, le Prisker Price. »
La vision qu’à Bernard Arnault il y a vingt ans sur les évolutions de la société est aussi intéressante : « Avant, c’était le règne du show of. Aujourd’hui, les jeunes sont plus sensibles aux vraies valeurs. Ils cherchent des produits de qualité qui signifient quelque chose à leurs yeux plutôt que des produits destinés à épater. C’est ce qui explique notamment le succès des produits de soin. En même temps, les nouveautés sont peu nombreuses. On observe d’incessants mouvements de va-et-vient entre les tendances. Les jeunes sont moins faciles à appréhender. Les jeunes se raccrochent aux valeurs établies dès lors qu’elles rencontrent leurs préoccupations du moment. C’est le cas de l’écologie, vis-à-vis de laquelle les marques de luxe ne peuvent plus être insensibles. On le voit avec la montée des emballages biodégradables, la composition des produits… le fait, pour un groupe, de participer à des actions humanitaires compte également de plus en plus pour le client. Cela varie cependant selon les pays. J’ai en tête l’exemple d’une marque américaine de cosmétiques qui ne fait pratiquement pas de publicité mais qui consacre son budget contre le sida. C’est bien. Non seulement on achète ses produits, mais en plus c’est utile. C’est une nouvelle tendance de fond. On l’observe davantage en Europe qu’en Asie, où la maturité, le stade de développement des économies, ne sont pas les mêmes, et/ou la faim d’accession à un certain pouvoir d’achat de produits importés est plus récentes. Mais, même en Asie, l’éducation des consommateurs s’élève. A leur tour, ils voyagent beaucoup. Aujourd’hui, le client recherche la liberté. Par ailleurs, aujourd’hui, l’être devient plus important que le paraître. Les marques vont prendre de plus en plus en compte l’importance que leurs clients accordent à la spiritualité par rapport au frivole et à la simple apparence. Ce qui différencie nos produits, ce sont les valeurs d’authenticité qui s’y rattachent.
Derrière les articles Louis Vuitton que voit-on ? De l’authentique. C’est-à-dire le travail passionné de nos artisans, sans commune mesure avec la production d’enseignes plus banales qui ne cherchent qu’à faire du marketing. C’est un savoir-faire historique. »
Sur un plan plus personnel et privé, Yves Messarovitch à travers ses questions vise à ce que Bernard Arnault puisse exprimer qui il est vraiment.
Dans un emploi du temps forcément chargé, il cherche notamment à savoir quelle place il arrive à laisser à sa vie privée, à sa famille, aux relations sociales ? Bernard Arnault confie notamment qu’il reçoit assez peu : « Il m’arrive bien sûr de le faire parce que c’est nécessaire et souvent agréable, mais je ne trouve pas, dans les mondanités, un appel particulier. Donc je consacre l’essentiel de mon temps disponible à ma famille, à ce qui est pour moi le plus important. Je fais en sorte de rentrer chez moi chaque jour avant 8h30 afin de m’occuper particulièrement de mes trois jeunes enfants. Les week-end, également, je suis disponible auprès de ma famille. L’enfance est une période très courte, les connivences, les souvenirs sont sans prix. Par ailleurs, l’observation des enthousiasmes, dégoûts, les aspirations des enfants, le réveil à la vie, par exemple, aux nouvelles formes de technologies, Internet en particulier, sont fascinants. Quel est celui qui apprend à l’autre ? La hiérarchie est bien souvent bouleversée. Le temps consacré à tout cela est donc loin d’être secondaire. Nous recevons néanmoins de temps à autre à la maison. Hélène est une artiste. Hélène, quand nous donnons un dîner, aime faire se rencontrer les personnalités différentes ; les artistes et des hommes d’affaires, ou des responsables politiques, par exemple. Un soir, quand un ado venait d’arriver chez Dior, elle avait invité avec lui et quelques amis le premier ministre Édouard Balladur. Je me demandais ce qu’allait donner la rencontre de personnalités en apparence si opposées ; et cela s’est merveilleusement passé, il faut dire que Galliano est passionnant quand il parle de mode et de création ; Édouard Balladur s’est, pour sa part, montré particulièrement au fait des tendances de la création actuelle. Il a posé des questions très pointues sur la mode. Le plus drôle c’est que, le lendemain, quand John Galliano m’a téléphoné pour me remercier du dîner, il m’a dit qu’il avait spécialement apprécié la discussion de Jacques Chirac ! Les artistes sont les artistes… »
« Vous arrive-t-il de vous échapper de votre Groupe ? » questionne Yves Messarovitch. Bernard Arnault répond qu’il arrive à s’échapper sans toutefois couper le lien avec son Groupe : « Les voyages occupent chaque année la moitié de mon emploi du temps et ce sont eux qui me permettent, en fait, des échappées. Mais je dois reconnaître qu’au cours de ses périples, je ne me déplace jamais sans téléphone et tous les moyens modernes qui me permettent de rester en lien en permanence avec le groupe. Il m’est difficile de faire une coupure. Je me demande toujours ce qui peut se passer. C’est la raison pour laquelle il me paraît préférable, pour rester serein, de demeurer informé de la marche du groupe, même lorsque je suis à l’autre bout du monde. J’ai trouvé un très grand plaisir à voyager. Le groupe est présent dans tous les pays du monde et lors de mes déplacements successifs, j’aime observer l’évolution des goûts et des envies des hommes et des femmes, en Asie, aux États-Unis, en Argentine, en Russie… Je n’hésite pas à entrer dans les boutiques et, au passage, à voir de plus près ce que font les concurrents. D’ailleurs, je ne suis pas certain que, dans ce métier, nous ayons vraiment des concurrents. Nous le sommes dès lors qu’il s’agit d’acheter certaines affaires, mais pas en termes de clientèle. Lorsqu’une boutique Louis Vuitton s’installe à côté d’une boutique Prada ou d’une boutique Gucci, les deux en profitent. Ce n’est donc pas un hasard si toutes ces boutiques de luxe sont en général situées dans les mêmes endroits. En fait plus les marques prestigieuses sont concentrées sur un même site, mieux elles marchent. La notion de concurrence dans le luxe est très particulière. »
Bernard Arnault confie aussi que ce qu’il a de plus rare et de plus précieux est « le temps : Non seulement ma fonction m’occupe beaucoup mais, en plus, mes affaires me passionnent et elles sont très prenantes. De ce fait, le temps qu’il me reste pour le piano ou la lecture se fait rare et chaque instant que j’y consacre est peut-être le vrai luxe de la vie. Mais finir mes jours sur une île déserte n’a jamais été un rêve. »
Passionné par le piano dont il arrive à jouer quelques heures par semaine, il se livre aussi sur ses passions pour ma musique et la peinture moderne : « C’est pour les génies musicaux tels que Mozart que j’ai tendance à avoir plus d’admiration. Mozart est pour moi le génie absolu. Et pour le piano, un instrument que j’adore, je mets Chopin au-dessus de tout. J’apprécie aussi Bach, Beethoven, Rachmaninov, Schumann qui est le plus grand romantique, plus encore que Chopin, Schubert… Mais si la musique romantique me touche particulièrement, je suis aussi très heureux de connaître des musiciens, interprètes, compositeurs, plus contemporains qui font vivre la musique aujourd’hui ; je pense, par exemple, à Maurizio Pollini ou Pierre Boulez. La musique nécessite des qualités totalement hors du commun. D’ailleurs, les compositeurs qui sont devenus universellement connus sont beaucoup moins nombreux que les peintres. Chez un musicien, il y a un fonctionnement cérébral exceptionnel qui relève du génie. C’est un peu comme les mathématiciens. Je suis, vous le savez, scientifique de formation et je reste complètement émerveillé par Einstein, qui me paraît être le vrai génie du XXe siècle. Il y a, selon moi, plus de proximité entre Mozart et Einstein qu’entre Picasso et Einstein. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir une admiration sans borne pour Picasso que je considère comme le plus grand peintre de son temps. Mais si n’importe qui peut faire un tableau, même sans talent, il est impossible, sans s’y être longuement préparé, de jouer une sonate de Beethoven au piano, ou mieux encore, de composer une symphonie. La peinture moderne me captive aussi, du début de l’impressionnisme jusqu’à nos jours. Ma préférence va plutôt à la première partie du XXe siècle avec Matisse, Picasso, Cézanne, Bonnard, Mais j’adore aussi Dubuffet, Warhol ou Basquiat, Jasper Johns ou bien Balthus que j’ai le grand privilège de connaître personnellement. »
Une anecdote illustre bien ce côté artiste que Bernard Arnault a bien ancré en lui : « Avec mon épouse, nous sommes montés sur scène au Japon à la demande et sous la direction de Seiji Ozawa, qui est un ami. Autant vous dire qu’il faut se préparer, surtout pour exécuter un concerto de Mozart. C’est effectivement très stressant mais j’étais aussi très concentré car il fallait quand même essayer de faire bonne figure. Avant de commencer le concert, Seiji a adressé quelques mots en japonais au public, très nombreux, qui se mit à rire. S’il avait parlé en anglais, je n’aurais jamais pu jouer car il avait tout simplement dit que mon épouse était une grand pianiste et moi un grand amateur. Et que, si l’amateur s’arrêterait au milieu du morceau, eh bien, il devrait reprendre tout depuis le début… »
La peinture, la musique, le patrimoine, la création… quel sens tout cela a-t-il pour vous ? interroge Yves Messarovitch
« La création me fascine très profondément, donne un sens à la démarche de l’individu, à son existence » répond Bernard Arnault en laissant alors apparaître une facette de lui intéressante à découvrir entre les lignes. Il rajoute : « C’est un antidote à l’éphémère. L’émotion est faible pour décrire la magie des actes de ceux qui, par leur regard visionnaire, font que nous ne voyons pas les couleurs comme avant. J’aime cette vision de l’artiste, je pense à Cézanne, par exemple. Je pense aussi à Christian Dior, qui a changé l’image de la femme. Je ne me lasse jamais de contacts avec des créateurs et les artistes qui, eux, changent notre vision du monde. C’est une sorte de spiritualité. C’est pour moi indispensable en tout cas. C’est une respiration essentielle à l’équilibre de l’individu, un ressourcement, une manière de conjurer le temps qui passe, aussi. »
Par ailleurs, Bernard Arnault est aussi un entrepreneur mécène qui dit partager la vision d’une « entreprise citoyenne » : « Le groupe avait une identité exclusivement financière : des bilans, le cours de la bourse… Une image essentielle pas suffisante. La problématique était en fait complexe et, de même que LVMH est unique en son genre, son identité profonde, authentique, nécessitait une image institutionnelle, globale, valorisante. Et puis je tenais à ce que la réussite économique du groupe, son artisanat, sa créativité, son sens élevé de la qualité issus de tradition très ancienne, puisse s’allier à des engagements utiles. Une entreprise, pour réussir, doit marquer sa responsabilité face à certaines problématiques majeures de son environnement naturel. Le sens de l’intérêt général n’est pas un vain mot, il est un fait fondamental. Je pense que le bien public ne doit pas être laissé à la seule responsabilité des Etats et des gouvernements. Les entreprises peuvent, doivent être, les acteurs qui forcent l’initiative, pour amener des projets, fruit de leurs moyens économiques mais aussi de leur talent, de leur esprit d’innovation. L’action d’intérêt général sans retour économique de LVMH est permise par le succès du groupe. Elle s’attache à exprimer avec légitimité nos propres valeurs par la défense, la promotion, le soutien de ses mêmes valeurs dans une politique d’intérêt général. Ces valeurs constituent en effet « l’actif culturel » de nos maisons : patrimoine et créativité, savoir-faire et innovation, art de vivre esthétisme, goût français et européen, qualité et recherche de l’excellence, transmission des savoirs… autant de valeurs qui doivent aussi concourir à donner du luxe une définition affective dépourvue d’arrogance authentique. Une réflexion approfondie sur ce sujet prend la forme d’un audit institutionnel et culturel. Il est mené dès 1990, avec l’arrivée à mes côtés de Jean-Paul Claverie, alors conseil de Jack Lang au ministère de la culture. Il nourrissait des réflexions originales et quasi stratégiques visant à lier le monde de l’entreprise et son environnement culturel au sens large. Ainsi depuis dix ans, nous menons des initiatives inédites, en France et à l’étranger autour des thèmes de la culture et la jeunesse qui sont deux axes importants du mécénat de LVMH. L’idée est de lier nos métiers d’artisans aux exigences des artistes, des chercheurs et des intellectuels. J’ai souhaité que nous nous engagions, par le mécénat, à un devoir de défendre la créativité, de la perfection, et à garder le cap de l’innovation. Celui du « ressourcement ». Maintenir en innovant. Sublimer l’âme des maisons… nous avons créé ces deux dernières années (1998 et 1999), plus de 10 expositions internationales, consacré aux plus grands maîtres de la peinture : Poussin, Cézanne, Millet, Van Gogh, Georges de La Tour, Picasso, Chardin, Dubuffet. Dans nos métiers, l’esprit est le même… L’avenir appartient à nos « secrets » de fabrication, enviés et reconnus dans le monde entier. Il repose sur une qualité artisanale sans faille pratiquée par de véritables artistes créateurs, apportant à tout moment l’innovation technique et la rationalité industrielle. Tel est, en somme, le sens du mécénat de LVMH… défendre les valeurs qui sont les nôtres, et que connaissent tous ceux et celles qui partagent un goût et un art de vivre français, devenu universel. La jeunesse est aussi un axe essentiel où nous avons mené des initiatives totalement inédites, construites en étroite collaboration avec nos partenaires des musées, de l’éducation nationale, des villes. Pour toute exposition soutenue par le Groupe, une action pour les jeunes est mise en place. Au Grand palais, par exemple, nous avons obtenu que les jours de fermeture de nos expositions au grand public soient réservés aux jeunes. Les enfants de tous milieux et de toutes les régions de France ont ainsi été accueillis par des équipes de pédagogues spécialement mises en place par LVMH. Pour les écoles des Beaux-Arts et leurs étudiants, ensuite, qui sont les artistes de demain, nous avons créé, depuis six ans, les bourses d’études permettant, au travers de concours annuels en phase avec des expositions, d’aider les jeunes à voyager dans le monde entier. Il me paraît essentiel que les jeunes en général, les jeunes créateurs en particulier, se frottent à d’autres cultures, d’autres couleurs, d’autres publics. C’est le sens de notre démarche. A l ‘heure actuelle, en cette année 2000, des boursiers français voyagent en Australie, aux États-Unis, au Japon, alors que nous recevons à Paris un jeune graphiste, un danseur, une artiste peintre de Saint-Pétersbourg et un plasticien de Prague. La musique par ailleurs est aussi un axe où nous sommes très actifs. Je ne citerai que deux exemples… nous prêtons à de jeunes virtuoses au tout début de leur carrière, les instruments fabuleux, des stradivarius de notre collection. Nous sommes les premiers à découvrir et à soutenir Maxime Venderov, devenu aujourd’hui un virtuose mondialement connu. Nous voulons révéler des talents, de très jeunes virtuoses au tout début de leur carrière, en mettant à leur disposition des instruments auxquels ils ne pourraient accéder. Plus de 18 000 places de concerts ont été offertes ces dernières années, pour entendre la philharmonie de Berlin ou Pollini, Jessie Norman ou Martha et Argerich. La fréquentation des plus grands est essentiel à l’éveil de l’émotion. Mais le champ que recouvre le mécénat de LVMH va bien au-delà. Nous nous efforçons de faire revivre et connaître notre patrimoine. Je pourrais citer la restauration entreprise voilà six ans et cette salle de Lenoir du château de Versailles, le plus grand geste de mécénat d’entreprise française à Versailles. Bien encore, il y a deux ans, le rideau de scène du nouvel opéra de Shanghai, créé par Olivier Debré et offert par LVMH à nos amis chinois. Si je suis heureux de toute initiative pour les jeunes afin qu’ils deviennent eux-mêmes acteurs et partie prenante, nous évoquons plus discrètement le volet humanitaire qui est pourtant utile et essentiel. Il est naturel de prendre part aux gestes de solidarité en faveur des chercheurs, les éducateurs, afin de soulager et de s’engager à trouver des solutions à des causes de souffrance ou de désarroi. Le cancer, le sida, l’enfance malheureuse, les handicapés physiques et moraux, les personnes âgées sont autant de combat auquel nous participons. Toutes ces initiatives créent, année après année, un fantastique vecteur d’appartenance unanimement partagé. »
Quand Yves Messarovitch demande à Bernard Arnault s’il a encore le temps de faire du sport, ce dernier dit regretter d’avoir dû arrêter l’équitation, faute de temps mais confier réussir à continuer le tennis deux à trois heures par semaine.
Bernard Arnault a-t-il un antidote contre le stress ? questionne encore Yves Messarovitch. « C’est simple » répond Bernard Arnault : « lorsque j’ai beaucoup de souci et de stress, je vais me coucher très tôt et je dors immédiatement. Je me réveille de bonne heure, car je préfère travailler le matin plutôt que le soir ; le stress a alors complètement disparu. »
Quid de la religion ? Tient-elle une place prépondérante ? demande aussi Yves Messarovitch. Bernard Arnault confie sur ce sujet avoir été influencé par sa grand-mère qui était catholique, très croyante et pratiquante, mais ne pas être lui-même assez assidu : « Pendant toute une période, je n’en n’ai pas eu le temps. Mais avant même à cette époque, je m’était un peu éloigné de l’église. Les prêtres avaient, dans ma jeunesse, une tendance que je déteste à se rapprocher plus de celle de Marx que de l’Évangile. Cela me paraissait d’autant plus étrange que l’église ne pouvait logiquement adhérer aux idées communistes, par définition athées. J’entendais souvent mon père, à la sortie de l’église, se plaindre de sermons qui consistaient à attaquer les patrons. Je me souviens très bien qu’il râlait et disait : « Je finance le diocèse et, le dimanche, à l’église, je me fais agresser pendant le sermon ! » Et puis, je n’ai beaucoup aimé l’abandon du latin, plus mystérieux et fascinant que les sermons en français. Si je suis profondément croyant et j’essaie de transmettre ma foi à mes enfants, je pense aussi qu’il reste cependant un problème entre la religion catholique et le monde de l’économie libérale. Il est certes bien de partager, mais faire de ce partage une philosophie poussée à l’extrême, comme certains ecclésiastiques le prônent, ne me paraît pas adapté à ce qui se passe aujourd’hui. On doit aussi encourager les initiatives, récompenser des efforts et réussites, car ils profitent à tous et, sans eux, il n’y a pas de richesse partagée. Il faut qu’on reconnaisse aujourd’hui qu’on vit dans un monde de liberté, et que cela est dû d’abord à l’économie libérale qui a servi de soutien à nos démocraties » pense-t-il.
De plus, il partage aussi son sentiment que nous entrons dans une période où la spiritualité aura de plus en plus d’importance, au détriment de la matérialité : « Les entreprises n’y échapperont pas et ne pourront plus se contenter d’assurer seulement du pouvoir d’achat et du confort matériel. L’entreprise qui réussira devra rapporter plus que cela. Ce phénomène passera par l’établissement de nouveaux objectifs, au-delà de la seule augmentation de profit et de la rentabilité. Il s’agira de donner plus de sens à la vie des gens, en soutenant, par exemple, des causes humanitaires, ce qui permettrait, par ailleurs, de donner un sens à la consommation de certaines marques. Je crois que l’entreprise qui y parviendra sera plus dans notre époque qu’une entreprise désincarnée, dont la caricature reste la grosse entreprise nationale américaine consacrée uniquement à faire du cash-flow et sortir des résultats trimestriels. »
Yves Messarovitch ose questionner aussi Bernard Arnault sur son rapport à la mort. Ce dernier esquive habilement cette question : « J’estime, comme Pascal, que le problème fondamental de l’homme, c’est l’amour. Il faut y réfléchir si on ne veut pas passer à côté de l’essentiel. Pascal disait aussi que lorsque qu’on a un problème important, il existe un moyen infaillible de ne pas se laisser dépasser, c’est de ne pas y penser. Et cela me paraît très vrai. La mort est inévitable, ce n’est qu’une question de temps ; mais il n’est pas bon d’y penser chaque jour. Je suis donc un adepte de la position de Pascal qui consiste à ne pas y penser. »
Yves Messarovitch aborde aussi le thème de l’argent. Bernard Arnault se dit être d’un naturel raisonnable, ni dépensier, ni pingre : « L’essentiel de ma fortune est investi dans le groupe, au sens large. Pour le reste, je prends les conseils des spécialistes de grandes banques investissement avec lesquels je travaille depuis des années. Ma technique consiste à ne pas suivre les indices boursiers, et à investir que dans une vingtaine d’entreprises cotées, pas davantage, afin de pouvoir les suivre individuellement. J’investis dans les domaines d’activités que je comprends et que je crois porteur. Ce qu’il faut bien comprendre en bourse, c’est que la valeur du jour d’une entreprise est purement subjective, elle dépend du prix de l’offre de la demande sur le marché, et pas uniquement de la valeur intrinsèque de l’entreprise. … Je crois fondamentalement que pour réussir en bourse, il faut avoir une vision à long terme, s’intéresser à des sociétés et non pas des secteurs d’activité, investir dans une entreprise parce que l’on croit en son management et parce que les cours paraissent intéressants. Ensuite, pendant deux ou trois ans, il ne faut que jeter un œil sur le cours de bourse. Sinon, Vous spéculez, et surtout vous vous énervez, car il est très rare que le cours de l’entreprise monte après votre investissement. »
Yves Messarovitch cherche aussi à savoir quels sont les principes forts que Bernard Arnault a reçu lors de son enfance qu’il aimerait transmettre à son tour à ses enfants ? « Le premier consiste à ne jamais mentir » répond Bernard Arnault, en précisant que « c’est d’ailleurs très important pour les affaires où la transparence est indispensable, déterminante même. » Il rajoute croire aussi à la rigueur, à la droiture : « cela me vaut parfois des réflexions sur mon austérité. Il arrive qu’on se demande si je suis protestant alors que je suis profondément catholique. C’est ce qui me reste de ma grand-mère qui m’avait inculqué ces valeurs. »
Par ailleurs, il confie vouer une admiration particulière pour Bill Gates : « Il a inventé, créer de zéro, quelque chose d’extraordinaire »
Yves Messarovitch demande aussi à Bernard Arnault comment il arrive à organiser ses journées ? « Je planifie mes activités de façon à ce que mes occupations professionnelles ne débordent pas de manière excessive sur ma vie personnelle » répond le chef d’entreprise en rajoutant : « Tout est une question d’organisation. On peut consacrer à telle ou telle tâche plus ou moins de temps. C’est un peu comme la fumée que vous soufflez dans une bouteille. De toute façon, quelle que soit la taille de la bouteille, la fumée la remplit. Le tout, c’est de bien choisir la taille de la bouteille. J’ai d’ailleurs toujours été assez organisé, essayant d’analyser les problèmes et de les régler dans un délai court. Je n’aime pas consacrer plus de temps que nécessaire à un sujet. De même, je n’aime pas recevoir des notes filandreuses de trente pages. Une bonne note fait une ou deux pages. Au-delà, tout devient confus et cela ne sert à rien. Surtout lorsque vous en recevez une cinquantaine par jour. Par ailleurs, j’ai des rendez-vous fixés avec les différents responsables du groupe. Ils sont hebdomadaires pour les affaires les plus importantes et mensuels pour les plus petites. Le directeur général, Mike, un homme exceptionnel, s’occupe aussi bien que moi de toutes les entreprises qui composent le groupe. Peut-être mieux d’ailleurs à certains égards, car nous nous répartissons les tâches. Je m’occupe beaucoup de la partie création. Pour le reste, je suis informé et je donne mon point de vue. Toute la partie gestion pure, organisation et développement, est suivi directement par les sociétés puis contrôlé par Mike qui pourrait me remplacer à tout moment. Il faut faire en sorte que la vie de la société se poursuive normalement en toutes circonstances. Pour un groupe de la taille de LVMH, il faut à la fois s’occuper du cours, du moyen-terme. Un dirigeant efficace doit s’occuper à fond de certains domaines. Il ne peut pas tout voir. C’est la raison pour laquelle, nous nous répartissons les rôles avec Mike. Je me consacre plutôt à la stratégie générale, à toute la partie produits, créativité. Mike se consacre-lui plutôt au reste, et comme il est américain, également aux activités américaines du groupe. »
La motivation est un autre thème qui est abordé par Bernard Arnault : « Pour diriger, il faut motiver. Lorsque vous émettez une critique, il faut aussi que quelque part il y ait un compliment. Ou alors il ne faut pas garder la personne à laquelle vous vous adressez. En général, lorsque vous formuler des critiques, vous le faites à des gens avec lesquels vous avez plaisir à travailler et que vous estimez valables. Vous savez, tout le monde peut être critiqué. Le patron d’une entreprise compris. Il faut le faire sans casser la motivation, faire en sorte la critique stimule plutôt que ne décourage. »
Lors de ces entretiens, en 2000, Bernard Arnault a 51 ans. Yves Messarovitch lui demande s’il s’imagine encore, en 2030, à la tête de LVMH ?
L’entrepreneur répond être réaliste : « Je suis conscient qu’il arrive un âge où on n’est peut-être plus aussi bon. Combien de personnalités formidables dans le monde des affaires ont pu se dégrader et ne pas en être conscientes ? Il est pourtant indispensable de se remettre en question en permanence et éviter l’écueil qui consiste à se dire que l’on va réussir aussi bien dans les 30 années à venir que lors des 30 qui ont précédé. L’efficacité n’est nécessairement, physiquement, physiologiquement plus la même. Il est donc vital que dans une entreprise, chaque dirigeant nomme son successeur potentiel, à tous les niveaux. Je ne m’accrocherai donc pas, dans ce souci d’efficacité. Cela dit, on vit de plus en plus vieux et on meilleure santé. Et c’est un phénomène qui va s’accentuer dans les 20 ans qui viennent. Je pense même qu’il arrivera un jour, que je ne connaîtrais sans doute pas, où on découvrira un moyen scientifique de ralentir, d’arrêter le vieillissement. Les recherches génétiques nous amèneront de façon certaine à ce résultat. Certains pensent que cela serait l’enfer de ne pas vieillir, que la vie serait trop longue. Je ne vois pas pourquoi. Si vous conservez votre condition physique qui vous permet de rester alerte et de faire du sport, ce sort me paraît enviable. Cela n’est évidemment pas le cas si vous passez 50 ans sous perfusion dans une chaise roulante. »
Face à la constitution de très grands groupes étrangers, Yves Messarovitch demande à Bernard Arnault s’il pense que le capitalisme français, qui manque généralement de fonds propres, a ou non un avenir ? Le PDG de LVMH partage le constat qu’il y a « peu de français leaders mondiaux dans leur domaine » ; mais il reste optimiste : « La France a des idées, les talents ; Elle a une culture, tradition artisanale, et la maîtrise de certaines techniques ; tout cela dans un pays qui est désormais clairement ouvert sur le monde, un pays qui exporte, un pays de liberté économique. Il y a peut-être, cependant, moins de capitalistes dans notre pays que dans les pays anglo-saxons ; ce sont pourtant eux qui font en grande partie la réussite économique d’une nation. Ne vous étonnez pas, en conséquence, que je souhaite que l’État leur facilite plutôt la vie, ce qui n’est hélas pas toujours le cas. Je suis français. En matière de capital, le capitalisme français a été pendant un temps le capitalisme sans capitaux ; aujourd’hui cette position est sans avenir, vus les investissements nécessaires à la compétition mondiale. Essayons donc de susciter des vocations d’entrepreneurs, d’attirer les capitaux, de développer aussi l’actionnariat salarié. »
En conclusion du livre Bernard Arnault dit « avoir trouvé cet exercice intéressant et amusant, même si, par nature, je préfère la discrétion à la parole. » Il rajoute : « Aujourd’hui, qu’ils le veuillent ou non, les chefs d’entreprises sont sous les feux des médias. Leurs actions sont analysées, disséquées, voir mises en cause. Leurs analyses, pour vivre de l’intérieur la vie d’un groupe mondial, sont rarement justes, et comportent souvent des contre-sens. Parfois même, lorsqu’elles sont complètement fausses. Il est difficile d’échapper à un mouvement de fond de l’opinion, même s’il est en réalité erroné… D’où le besoin d’explications. Explications à l’usage des partenaires du groupe, investisseurs, actionnaires, salariés, spectateurs, clients. Il m’a semblé utile, également, de détailler un peu ma vision de la direction de ce groupe international. Je donne souvent des conférences pour faire partager la culture LVMH, dans des universités ou dans les bureaux du groupe dans le Monde. Je pense que ce livre contribuera aussi, en partie, à clarifier et à expliquer notre logique et notre attitude dans les affaires. J’ai essayé par ailleurs, dans ce livre, de montrer comment réagit un manager actionnaire. Je suis, en effet, dans cette situation assez particulière de dirigeant opérationnel pour le groupe LVMH depuis dix ans, tout en étant son actionnaire de contrôle ; pour l’essentiel, mes pairs, dans les entreprises du CAC 40, sont soit des investisseurs qui ne dirigent pas les opérations de leur groupe, soit des managers très talentueux qui ne les contrôlent pas. Non que je tiens de ma situation particulière quelconque avantage, mais je crois que cette expérience spécifique apporte des enseignements. Ce que j’ai tenté de faire sentir, dans ce récit, c’est que cet état, où à longueur d’année vous jouez, en fait, avec votre argent à l’échelle planétaire, vous apprend à moduler deux contraintes : la prise de risques, bien sûr, mais aussi la prudence. Plus la taille du groupe augmente, plus le second est actif. La prudence a tendance à l’emporter sur le premier. La responsabilité ressentie envers tous ses salariés qui travaillent avec vous et s’impliquent dans l’entreprise vous rend spontanément plus attentif : vous ne vous sentez pas le droit de leur faire courir le risque que vous étiez prêts à prendre au début, quand vous engagiez moins de monde. Et pourtant, La prise de risques est, pour un entrepreneur, comme la respiration, nécessaires à la vie et parfois à la survie. C’est, de plus, l’occasion d’aventures à partager aux quatre coins du monde avec des équipes, qui vibrent d’autant plus que les enjeux et risques grossissent. En outre, quand vous êtes manager propriétaire, vous êtes vraiment associé à tous les actionnaires qui achètent des actions en bourse ; votre vision est fortement influencée par cette association ; j’ai des opérations, des fusions, des acquisitions coûteuses, convaincu, bien sûr, que c’est dans l’intérêt de mon entreprise. Mais, vous envisagerez sous un autre angle les décisions à prendre en tant qu’actionnaire majoritaire. Ferais-je ce mouvement de la même façon qu’un manager en jouant avec mon propre argent ? Sans doute pas toujours. Au fond, je pense que cela doit être rassurant pour les actionnaires d’un coup comme LVMH d’avoir un propriétaire là-bas. Même s’il faut en permanence dépasser cette opposition entre danger et prises de risques. Mais c’est de la gestion de ce type de contradiction que naît le progrès. Dans la vie d’un patron, faire ce genre d’arbitrage et de prise de décision dans le processus est souvent instructif.»
Pour lire cet ouvrage :
https://www.amazon.fr/Bernard-Arnault-Passion-cr%C3%A9ative-Messarovitch/dp/225919432X
En bonus :
Conférence plus récente de Bernard Arnault donnée à l’Ecole Polytechnique