Voulez-vous écouter mon histoire ?
Quand j’étais petit, de ma naissance à mes six ans, j’habitais avec mes parents dans un bidonville. Ce bidonville était situé derrière le fort rouge. C’était un très grand bidonville. Beaucoup de familles habitaient là. Il y avait des tables, mosquées, hôpitaux, écoles aussi. Mes parents étaient pauvres, très pauvres. Leur état de santé n’était pas bon. Un jour, le gouvernement est venu là avec beaucoup de policiers et nous a annoncé son intention de détruire ce bidonville. Il y avait en effet des gens riches, éduqués, qui ont demandé cela aux élus car la présence d’un bidonville proche de chez eux les gênait. Il y avait alors une connexion forte entre les personnes politiques et les personnes riches. Dans ce bidonville, il y avait beaucoup de personnes qui n’avaient pas de papiers, pas de carte d’identité, comme mes parents. Du jour au lendemain, le gouvernement a tout détruit.
Mes parents ont alors vécu sur les routes. On dormait dans les rues, à côté de la mosquée. Nous n’avions pas d’argent, pas d’endroit pour vivre, pas de travail. Mes parents m’ont demandé de mendier. J’ai travaillé alors comme mendiant pour eux. Les personnes dans la rue m’ont donné de l’argent, des vêtements, de la nourriture que je redonnais à mes parents. Tout ce que je gagnais, je le donnais à mes parents. Cela a duré deux à trois mois. Il y avait des problèmes pour poursuivre plus longtemps cette vie : les policiers venaient et n’aimaient pas les personnes pauvres dans les rues. Ils nous ont dit : « Vous devez partir. Vous devez aller vivre loin d’ici. »
J’ai dit à mes parents : « Mais pourquoi allez-vous quitter cette ville que vous connaissez ? Nous pouvons rester ici. Si vous restez ici, je peux travailler pour vous. Je peux vous donner de l’argent et des vêtements. »
Mes parents m’ont répondu : « La police ne nous aime pas et nous a dit de partir. Nous devons partir. »
J’ai répondu à mes parents : « Je ne veux pas partir. Je suis habitué à cette vie ici. Je vais rester ici sans vous. Je pourrai me débrouiller et être capable de vivre ici. »
Mes parents m’ont dit : « C’est ton choix et ta décision ? »
Je leur ai répondu : « Oui, c’est mon choix et ma décision. Je veux rester ici. »
Mes parents m’ont alors quitté. J’avais six ans. Ils sont partis avec mon petit frère et ma petite sœur, plus jeunes que moi.
Pendant une semaine, j’ai habité ici tout seul, puis j’ai été trouvé par un groupe d’enfants de la rue. Ils m’ont parlé et m’ont demandé :
« Pourquoi as-tu l’air triste ? As-tu des problèmes ? »
Je leur ai répondu : « Oui, j’ai des problèmes. Mes parents m’ont quitté. J’espère qu’ils vont revenir. »
Mes amis de la rue m’ont dit alors : « Ils ne vont jamais revenir. »
Je leur ai dit : « Comment pouvez-vous dire ça ? Vous les connaissez ? »
Ils ont ajouté : « Quand on nait dans une famille pauvre, la vie est mauvaise. La vie est difficile à vivre. Quand on nait dans une famille riche, la vie est plus facile : on est alors obligés d’aller à l’école. » Ils m’ont dit pour finir : « Ta famille ne reviendra pas. »
Je leur ai alors demandé : « Mais comment puis-je vivre ici ? »
Ils m’ont dit : « Si tu veux, tu peux habiter avec nous. Tu seras notre ami. Si tu habites avec nous, on s’aidera. Si tu as des problèmes, tu pourras les partager avec nous. »
Je leur ai dit : « Oui, je veux habiter avec vous et former une bonne équipe. »
J’ai donc fait le choix d’habiter avec eux. Mais, pas à pas, ma vie a changé. J’ai commencé à faire des paris avec eux. Un jour, j’ai vu un de mes amis prendre de la drogue. Je lui ai demandé : « Pourquoi prends-tu de la drogue ? Ce n’est pas bon. C’est mauvais pour la santé. Si on prend de la drogue comme ça, on peut se tuer ! N’est-ce pas mauvais pour ta santé ? »
Il m’a répondu : « Non ! Quand tu prends de la drogue, ça te rassure par rapport à tes problèmes. Quelques fois on pleure, on crie par rapport à nos familles, par rapport à nos parents. Quand tu prends de la drogue, tu peux tout quitter ! Tu peux vivre des amusements, être heureux. »
Je lui ai dit : « Quelques fois je crie, quelques fois je pleure. Je fais des cauchemars à propos de mes parents. Je voudrais oublier mes parents. Dois-je utiliser de la drogue pour cela ? »
Il m’a dit : « Oui, si tu veux ! »
J’ai commencé comme cela à prendre de la drogue. Au début, c’était bon. C’est mon expérience. Quand j’ai commencé à prendre de la drogue, mes problèmes ont disparu. Avant, j’avais des périodes déprimantes. Le fait de prendre de la drogue me rassurait. Mes problèmes disparaissaient. J’ai ainsi commencé à prendre de la drogue quand j’avais sept ans.
Mes amis m’avaient aussi alerté sur des personnes d’ONG qui venaient par ici et proposaient de travailler avec elles. Mes amis m’avaient dit :
» Si ça arrive, n’accepte jamais ! Tu dois refuser leurs propositions. Ils t’amèneront dans une place où ils font travailler des enfants qu’ils exploitent. »
Un jour j’ai rencontré deux personnes qui travaillaient dans les affaires sociales. Je jouais avec mes amis. On faisait des paris. Ils nous ont dit : « Bonjour les enfants. Nous sommes ici pour vous donner une deuxième chance pour votre vie ! »
Mes amis m’ont dit : « Ne les crois pas. Ils viennent ici régulièrement et cherchent des enfants comme nous. »
J’ai posé deux questions aux travailleurs sociaux :
« Pourquoi et comment allez-vous me donner une seconde chance ?
Comment allons-nous changer nos vies ? »
Ils m’ont répondu : « Si vous habitez ici, la vie n’est pas drôle. Vous prenez de la drogue et ce n’est pas bon. Si vous venez avec nous, nous pourrons vous aider et changer votre vie. »
Je leur ai demandé :
« Si vous nous amenez, où donc irons-nous ? »
Ils m’ont dit : « On vous proposera d’abord un traitement pour ne plus être dépendant de la drogue. Si vous venez avec nous, nous pourrons vous garder dans une place de traitement médical pendant quatre à cinq mois et après, nous pourrons vous amener dans une autre place pour étudier, où vous pourrez trouver des amis et rêver aussi. »
J’ai dit à mes amis : « Nous pouvons essayer d’y aller pour voir ! »
Mes amis m’ont dit : « Non ! Nous ne les croyons pas. Nous ne les connaissons pas. Nous ne pouvons pas leur faire confiance. »
C’était très difficile pour moi de prendre cette nouvelle décision mais je l’ai prise. J’ai dit à mes amis : « Je n’aime pas vivre ici. Je n’aime pas les choses qu’on fait ici. Je voudrais changer ma vie. Je dois aller avec eux. »
Ils m’ont gardé 4 à 5 mois et puis m’ont envoyé dans une autre place dédiée à l’accueil d’enfants de la rue. J’ai adoré quand ils m’ont envoyé dans une classe. J’étais avec d’autres enfants : c’était la première fois dans ma vie que je voyais beaucoup d’enfants étudier, vivre, s’aider comme une famille. Ils dormaient là aussi, hébergés par l’association.
Je me suis dit : « Si je reste là, je peux changer ma vie ! Je peux être capable d’aller à l’école, d’apprendre. »
Le nom de cette ONG est Salaam Balaak Trust. C’est une ONG pour les enfants, les filles, les garçons. Les maisons pour les filles sont différentes que celles des garçons. J’ai été dans une maison pour les garçons. J’étais très content d’y vivre comme dans une famille.
Mes amis m’avaient aussi alerté sur des personnes d’ONG qui venaient par ici et proposaient de travailler avec elles. Mes amis m’avaient dit :
» Si ça arrive, n’accepte jamais ! Tu dois refuser leurs propositions. Ils t’amèneront dans une place où ils font travailler des enfants qu’ils exploitent. »
Un jour j’ai rencontré deux personnes qui travaillaient dans les affaires sociales. Je jouais avec mes amis. On faisait des paris. Ils nous ont dit : « Bonjour les enfants. Nous sommes ici pour vous donner une deuxième chance pour votre vie ! »
Mes amis m’ont dit : « Ne les crois pas. Ils viennent ici régulièrement et cherchent des enfants comme nous. »
J’ai posé deux questions aux travailleurs sociaux :
« Pourquoi et comment allez-vous me donner une seconde chance ?
Comment allons-nous changer nos vies ? »
Ils m’ont répondu : « Si vous habitez ici, la vie n’est pas drôle. Vous prenez de la drogue et ce n’est pas bon. Si vous venez avec nous, nous pourrons vous aider et changer votre vie. »
Je leur ai demandé :
« Si vous nous amenez, où donc irons-nous ?
Ils m’ont dit : « On vous proposera d’abord un traitement pour ne plus être dépendant de la drogue. Si vous venez avec nous, nous pourrons vous garder dans une place de traitement médical pendant quatre à cinq mois et après, nous pourrons vous amener dans une autre place pour étudier, où vous pourrez trouver des amis et rêver aussi. »
J’ai dit à mes amis : « Nous pouvons essayer d’y aller pour voir ! »
Mes amis m’ont dit : « Non ! Nous ne les croyons pas. Nous ne les connaissons pas. Nous ne pouvons pas leur faire confiance. »
C’était très difficile pour moi de prendre cette nouvelle décision mais je l’ai prise. J’ai dit à mes amis : « Je n’aime pas vivre ici. Je n’aime pas les choses qu’on fait ici. Je voudrais changer ma vie. Je dois aller avec eux. »
Ils m’ont gardé 4 à 5 mois et puis m’ont envoyé dans une autre place dédiée à l’accueil d’enfants de la rue. J’ai adoré quand ils m’ont envoyé dans une classe. J’étais avec d’autres enfants : c’était la première fois dans ma vie que je voyais beaucoup d’enfants étudier, vivre, s’aider comme une famille. Ils dormaient là aussi, hébergés par l’association.
Je me suis dit : « Si je reste là, je peux changer ma vie ! Je peux être capable d’aller à l’école, d’apprendre. »
Le nom de cette ONG est Salaam Balaak Trust. C’est une ONG pour les enfants, les filles, les garçons. Les maisons pour les filles sont différentes que celles des garçons. J’ai été dans une maison pour les garçons. J’étais très content d’y vivre comme dans une famille.
Ils m’ont dit : « Si tu commences à apprendre l’écriture, à bien parler, lire, si tu fais des progrès, qui serons testés, nous pourrons alors te donner la chance d’aller à l’école. »
Les quatre premiers mois, j’ai appris à écrire et à lire l’hindi.
Après, ils m’ont donné la chance d’aller à l’école.
J’ai commencé à habiter là quand j’avais 10 ans. J’y ai habité pendant 8 ans. J’y ai trouvé beaucoup d’amis. J’ai ainsi réussi mon école.
Quand j’ai eu 18 ans, j’ai quitté Salaam Balaak Trust et suis rentré dans une autre ONG, LP4Y.
LP4Y m’a beaucoup aidé aussi : là-bas, j’ai amélioré mon anglais. Dans cette ONG, les volontaires sont français. J’ai donc commencé aussi à parler un peu français là-bas et suis devenu guide de Old Delhi en 2017, recruté par Nick, fondateur de Street connections. J’avais fait sa connaissance il y a une dizaine d’années chez Salaam Balak Trust. Street connections donne une chance de travailler à une partie des enfants issus de Salaam Balaak trust.
Avant, je parlais juste en anglais. Pas à pas, j’ai commencé aussi à parler français.
Maintenant, mes amis d’alors travaillent. Ils ont des rêves différents.
J’ai aussi des amis de la rue qui vivent toujours dans les rues d’Old Delhi.
Quand j’ai quitté Salaam Balaak Trust, je suis revenu dans Old Delhi après plusieurs fois pour chercher mers parents. J’ai fini par les retrouver, pas directement mais indirectement. J’ai retrouvé des personnes qui vivaient dans la rue avec moi, qui me connaissaient et m’ont reconnu.
Elles m’ont dit : « Tu es ici pour chercher tes parents ? »
Je leur ai dit : « Oui »
Elles m’ont dit qu’elles connaissaient où habitaient mes parents et m’ont aidé à les retrouver. Après 12 ans de séparation, j’étais heureux de retrouver ma famille.
Quand mes parents sont partis de Old Delhi, j’avais juste un petit frère et une petite sœur mais quand je les ai retrouvé après 11 ans, la famille s’est agrandie : j’ai retrouvé trois frères et trois sœurs. Nous sommes donc sept enfants dans la famille. J’habite avec eux, en dehors de Delhi, dans l’Uttar Prasdesh, un Etat voisin.
Depuis, je vis avec mes parents. Je veille sur mes frères et soeurs. J’espère qu’ils seront meilleurs que moi. Je suis heureux de travailler comme guide touristique de Old Delhi.
Voilà, c’est mon histoire. J’espère qu’elle vous a plu.
Depuis le mois de mars 2020, je ne peux malheureusement plus travailler. C’est triste. La situation est dure. J’espère qu’on pourra reprendre rapidement les visites et pouvoir vous accueillir prochainement dans Old Delhi, pour partager ensemble cette atmosphère si belle et si particulière qui règne ici.
Votre guide,
Sanju